L’union maudite

Sur la route vers Tozanog je passai par un village, ou du moins ce qu’il en restait. Aussitôt arrivée dans la capitale du Waystor, j’interrogeais les ménestrels du palais pour connaître l’histoire de ce bourg abandonné alors que son emplacement a tout d’un lieu idéal pour y faire des cultures.

On me raconta l’histoire de Brimalde et de l’Union Maudite. Ce soir de Lune Noire, Jérem et Talya, mariés depuis peu, avaient bu pour se donner du courage mais plus que du courage, c’est de l’envie l’un pour l’autre qu’ils ont montré. Ainsi alors que tout le village était réuni autour du prêtre et des cierges consacrés pour affronter la nuit fatidique, ces deux jeunes gens que l’on pensait endormis étaient affairés à tout autre chose dans le moulin. Cette nuit fut spéciale pour eux, si spéciale que Talya s’apperçut quelques temps plus tard qu’elle portait un enfant.

Les mois passèrent sans qu’aucun malheur notable ne frappe le village même si la récolte ne fut pas très bonne. Au bout de huit mois, le village s’apprêta à passer une nouvelle soirée en commun autour du prêtre Alexar pour conjurer les malheurs de la Lune Noire. Vers minuit apparut une créature bipède couverte d’écailles noires qui portait une arme ressemblant à s’y méprendre à une hallebarde sauf que sa lame ressemblait en fait à un un croc. Cette créature se diregea vers Talya, repoussant aisément de son arme ceux qui essayèrent de l’arrêter et d’un geste vif de sa main libre lui ouvrit le ventre d’un coup de griffe. Devant l’assemblée stupéfaite, il en sortit non un bébé humain mais un rejeton aux aspects reptiliens. Il s’en fut dans les ombres en laissant mourir Talya dans son sang et on ne le revit plus jamais.

Jérem sombra dans la folie et se mutila à coups de couteaux tandis que le reste du village restat prostré de terreur. Les vaillants qui avaient été blessés par l’arme maléfique virent leur peau virer au noir et moururent dans d’atroces souffrances. Nombre d’habitants moururent de peur à la Lune Noire suivante. Les survivants rallièrent la capitale pour tenter d’y refaire leur vie. Le village de Brimalde disparut des mémoires et des routes commerciales.

Extrait des Chroniques de mes voyages par Rahf la bardesse itinérante, Tome IV Waystor et les Îles Tentariales.

Apparition de Volkyr

Lors de mon séjour à Vaxxand au Nordan on me raconta l’histoire du déclin du clan Nomar.

Ces nains vivaient aux abords du Bois Mort dans l’ouest du Nordan. Deux voyageurs se retrouvèrent pris au dépourvu alors que le soir de Lune Noire approchait. L’un d’eux connaissant l’existance de la forteresse du clan Nomar proposa de modifier leur route pour y trouver refuge. Alors qu’ils approchaient, ces deux voyageurs furent assaillis par des animaux anormalement agressifs, probablement déjà sous l’influence de Noirceur.

Ils sonnèrent du cor devant les portes de la forteresse mais nul ne leur ouvrit. Les gardes nains leur refusèrent l’hospitalité au prétexte que leur entente avec les humains de Tarzovand n’était pas bonne suite à des désaccords commerciaux. Les voyageurs déjà aux prises avec des volatiles agressifs ne parvirent pas à obtenir gain de cause, peut-être que ces gardes avaient peur qu’un maléfice ne pénètre dans leur foyer en même temps que ces deux voyageurs.

Ce que l’on sait c’est qu’au matin on retrouva les infortunés humains morts et leurs corps sauvagements déchiquetés par des becs acérés. Des deux gardes qui leur refusèrent l’asile on ne retrouva que leurs armures et leurs armes au milieu de deux tas de sables.

On apprit plus tard auprès des érudits du clan que c’était la manifestation du Tayariel Volkyr, qui se nourrit de la couardise ou de la tromperie des hommes. Il tourmente ses victimes en leur provocant des hallucinations qui les poussent à tuer les gens les entourant avant de mourir, laissant leur corps se transformer en sable.

Tout porte à croire que Volkyr a profité de la Lune Noire qui affaiblit le pouvoir des Dieux et se nourrir de la couardise des gardes pour pour trouver un hôte à tourmenter.

Suite à ce grand malheur nombre de membres du clan quittèrent la forteresse par superstition ou honte qu’un Tayariel ait trouvé un hôte dans leur demeure.

Extrait des Chroniques de mes voyages par Rahf la bardesse itinérante. Tome V Le Nordan.

Anges et dragon à Haut-Château

Témoignages compilés par Aliénos, pélerin de Djoën.

Je me trouvais à Haut-Château, cette baronnie du nord de Sevendag afin de visiter le temple local qui avait vu l’apparition d’un ange de Djoën et d’un ange de Zhendalos lors d’un jugement divin. Il me fallait absolument voir les pierres de ce temple portant les reflets argentés dont les rumeurs parlaient tant. Je ne fus pas déçu mais cela est une autre histoire. J’ai rassemblé par écrit les divers témoignages de la tragédie qui s’est jouée à Haut-Château une dizaine de jours plus tard.

Les présages étaient tous mauvais. Aussi bien le régisseur Skander qui avait lu dans les astres que cette Lune Noire serait malheureuse que le Baron Kendry qui lors de ses prières à Djoën avait ressenti un mal anormalement puissant rôder dans le château.
Les trois étrangers qui avaient permis au Baron Kendry d’être nommé à la tête du fief par le représentant du roi étaient eux-mêmes sujets à d’étranges manifestations maléfiques. Certains domestiques rapportèrent qu’une voix terrifiante les avaient prévenus qu’ils seraient les prochains à mourir.
C’est en présence d’une délégation d’ambassadeurs du Nyras dont la Princesse Lysana, sœur du roi Merelmy du Nyras, que les préparatifs pour cette longue soirée d’angoisse allaient bon train. Le Baron Kendry, digne Chevalier au service de Djoën et la prêtresse Zhenelga ont consacré la salle d’honneur du château tandis que le prêtre local consacrerait la salle commune.

Alors que la soirée se passait plutôt normalement compte tenu des mauvais présages, les murs de la salle d’honneur changèrent d’apparence pour ressembler à la cuirasse d’un dragon noir. De ces murs jaillirent comme par magie des créatures hautes d’au moins deux mètres, vague mélange d’un homme et d’un lézard munis d’armes gigantesques. Le barde Théléron entonna la célèbre chanson de la Chute du Dragon Noir pour conjurer ces apparitions et redonner vigueur aux flammes qui menaçaient de s’éteindre. C’est alors que la voix impérieuse de Noirceur le fustigea et que le malheureux fut consummé par des flammes sombres qui ne laissèrent au sol qu’un cadavre méconnaissable.

Le Baron qui était aux prises avec une des créatures reptiliennes autorisa les non combattants à quitter la salle pour sauver leur vie. C’est ainsi que mon témoin me rapporta que la dernière chose qu’il vit en s’enfuyant de la salle d’honneur fut une lumière très vive autour des amis nyrassiens du Baron Kendry qui disparût aussi vite qu’elle apparût.

Hasard ou non, des chasseurs du hammeau des Pentes Grises ont retrouvé dans la forêt proche du lac un corps enterré à la hâte ayant subi d’étranges mutilations. Certaines rumeurs n’hésitent pas à avancer qu’un nécromancien aurait pratiqué un rituel, apportant le malheur dans notre région.

Écrits simples par Aliénos, premier feuillet relatant les événements à Haut-Chateau.

La fin d’Athéliel

Lors de mon séjour à Skipar en Stendarie on me rapporta la fin tragique du village elfique d’Athéliel situé plus au nord et réputé pour ses productions artisanales que les elfes venaient vendre en ville.

Pendant plusieurs années Athéliel fut en guerre contre des Adamantes vivant dans les montagnes si bien que le roi Cémériel et son héritier Lériel périrent ainsi que bon nombre des plus sages ressortissants de ce peuple.

Le soir du retrait définitif des Adamantes c’est donc Céluriel, fils cadet de Cémériel qui fut nommé roi. Il était jeune et n’était pas préparé à un tel destin. On dit même que sa santé mentale était précaire suite à une période de captivité chez ses ennemis. Toujours est-il que pour fêter la victoire il épousa à midi ce jour de printemps Éthaniaëlle sa bien aimée sans se soucier ou sans savoir (les sources divergeaient) que le soir même serait nuit de Lune Noire.

Les convives qui assistaient aux noces royales furent saisis de terreur quand les flammes du villages s’éteignirent subitement et qu’une terrible voix retentit dans leurs âmes. Elle annonçait la fin de ce royaume dont les habitants osaient festoyer un tel soir.
La fête fut bien entendu arrêtée et les habitants se rassemblèrent dans le calme autour de leur prêtresse druide qui portait ce titre mais qui comme le roi Céluriel avait hérité de cette responsabilité sans avoir l’expérience requise.

En dépit de ce que redoutaient tous, aucun fléau ne frappa le village les jours qui suivirent. Ce n’est que bien plus tard, ne voyant aucun héritier naître de l’union royale que les villageois se rappelèrent la terrible prophétie. Ainsi, en quelques années le village se coupa du monde puis vit ses habitants déserter pour ne laisser que le couple royal sur place.

Les humains de Skipar tentèrent de rallier Athéliel afin d’en rapporter des richesses abandonnées par les déserteurs mais aucun groupe d’explorateur ne revint aussi même de nos jours plus personne n’ose se mettre à la recherche du chemin aujourd’hui oublié qui mène à ce village frappé de la malédiction de Noirceur.

 

Extrait des Chroniques de mes voyages, par Rahf la bardesse itinérante, tome I Stendarie et Sevendag.

Lune Noire à Poissons-Rouge

J’arrivai à la mi-journée à Poissons-Rouge. Une Lune Noire importante venait de frapper la région.

La population était morose. Il y avait dans l’air une odeur de brûlé et pourtant je ne voyais nulle maison en feu, aucun reste de batiments calcinés.
J’appris en interrogeant le Chevalier Hiryon que le malheur avait frappé le village.

En effet le prêtre de Zhendalos qui devait arriver la semaine passée avait vu son bateau endommagé par une tempête ce qui l’avait empêché de venir consacrer le village.
Au lendemain de la Lune Noire les habitants trouvèrent les stocks de poissons couverts de pourritures et de vermines. Le vin et la bière avaient tourné subitement pendant la nuit.
Saryon était sorti en mer pour pêcher de quoi nourrir sa famille quand son embarcation chavira subitement alors que la mer était calme. On repêcha le lendemain les corps de l’équipage, porteurs d’étranges écailles sur les bras et les jambes.

C’est pourquoi la population avait brûlé tous ses navires de pêche et envoyé des émissaires auprès du Duc de Nézalyn afin d’obtenir du bois de la forêt du Massif du Levant au lieu du bois des bosquets environnants.

 

Extrait de Chroniques de mes voyages par Rahf Oeil de Chat, bardesse itinérante, Tome II : Nyras et Orionnie.

Les ours du Nordan

Tournoi de Vaxxand, an 32 du Calendrier Impérial. Le chevalier Anterk originaire de Skipar s’installe dans la tente tout juste dressée par son écuyer Tobias. Ce dernier est allé inscrire son maitre pour le concours du lendemain. Une fois revenu il questionne le chevalier.

– Messer, pardonnez mon ignorance mais sauriez-vous me dire pourquoi tant d’armoiries nordaniennes comportent un ou plusieurs ours?

– C’est assez facile à expliquer mon garçon. Remplis ma coupe avec un peu de vin pendant que je te raconte !

Le jeune Tobias s’exécute pendant que Ser Anterk s’installe confortablement.

– Si tant de nobles nordaniens ont adopté l’ours sur leurs blasons c’est tout simplement par ferveur religieuse.

– Par ferveur religieuse ? mais je croyais que les cultes étaient tout juste tolérés par l’Empereur.

– C’est vrai mais ces blasons datent d’avant. Même l’Empereur ne peut pas prendre le risque de voir les nobles se révolter.

– Certes mais quel rapport avec Togor ?

– La légende veut que Togor ait eu à affronter une meute d’ours noir du Nordan. Par on ne sait quel prodige il réussit à dompter leur chef qui devint un compagnon fidèle du futur dieu.

– Oh ! je savais pas. Et cet ours il avait un nom ?

– Bien entendu. Il s’appelait Khrys-Dent-De-Colère. Il y a même des histoires qui disent que Togor lui a appris à manier Vaxx la hache légendaire. D’ailleurs tu as pu remarquer que souvent l’ours que tu vois sur les blasons tient une hallebarde. Pour ne pas fâcher les sbires de la Couronne Impériale les Nordaniens diront que c’est la réunion d’un animal local et de l’arme traditionnelle de la région mais personne n’est dupe.

 

 

Noirceur

La légende de la lune noire

La lune noire est certainement un des phénomènes les plus étranges du monde abritant Otikan. Beaucoup ont essayé d’y trouver des réponses, des explications.

Selon les érudits de la Cité Impériale, la lune serait une sorte de projecteur qui emmagasinerait la lumière en provenance d’Otikan et la restituerait sous forme d’énergie lunaire (utilisée dans des rituels magiques par exemple). Une fois par cycle, cette lune aurait besoin de se « recharger » et aspirerait donc toute la lumière présente en Otikan. Afin d’assurer à la lune un bon rayonnement, les tours de mages de la Cité Impériale laissent brûler d’énormes feux à leur sommet les soirs de lune noire.

Mais lorsque les enfants de Sevendag posent des questions au sujet de la lune noire, c’est une toute autre histoire qui leur est contée.

Il y a fort longtemps, lorsque les Otiks régnaient sur Otikan, de nombreuses créatures mythiques peuplaient le monde. L’une d’elle se nommait Noirceur. Il s’agissait d’un grand Dragon entièrement noir, si noir qu’on prétendait qu’il pouvait aspirer les sources de lumières autour de lui.

Au fil des époques, les Otiks connurent de nombreuses guerres, ils s’affrontaient sans relâche. Les premiers hommes qui devaient être des créatures parfaites, engendrées par les Anciens Dieux, découvraient un certain goût pour la cruauté et la haine.

Et plus cette haine grandissait, et plus Noirceur grossissait. Si bien que le dragon finit par atteindre la taille d’une maison, puis d’une colline. Sur le territoire du dragon, plus rien ne poussait, la terre était déserte, l’obscurité la plus totale régnait en maître absolue.

Dans plusieurs tribus, le rite de passage pour les nouveaux combattants était d’aller défier le monstre. Autant dire que très peu revenait en un seul morceau.

Les Otiks finirent par juger la menace représentée par Noirceur bien trop importante et envoyèrent leurs plus vaillants guerriers pour l’affronter. Mais leurs efforts furent vains. Noirceur grandissait de jour en jour et aucune attaque humaine ne pouvait plus l’inquiéter.

Son territoire sans lumière s’étendait sur une superficie équivalente à celle de Sevendag aujourd’hui. Les hommes firent donc appel aux anciens dieux et les supplièrent de chasser Noirceur d’Otikan.

Mais Noirceur était largement de taille à affronter les divinités et ces dernières ne purent le défaire. La bête fut tout de même chassée d’Otikan et dans un dernier envol elle fila droit vers la lune. Depuis ce jour Noirceur a établi sa tanière sur la lune et lorsque cette dernière se retrouve face à nous, il continue à exercer son pouvoir sur notre lumière.